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Expérience, information, ennui

L’originalité et l’innovation sont devenues deux valeurs refuges pour échapper à une existence considérée la plupart du temps comme dépourvue de tout intérêt. Il est révélateur que l’on attache aujourd’hui plus de poids à ce qui est « intéressant » qu’à ce qui a de la "valeur". Mais juger si quelque chose est « intéressant » ou pas revient à le considérer dans une perspective purement esthétique. Le regard esthétique ne s’attache qu’à la surface, et c’est à partir de cette surface que tombe le verdict : intéressant ou ennuyeux.
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Le regard esthétique est excité par une intensité accrue ou de préférence par quelque chose de nouveau, et la logique de ce regard devient la tendance au superlatif. Il faut cependant noter que le regard esthétique a une propension à retomber dans l’ennui, un ennui qui définit négativement le contenu tout entier d’une vie car il est ce qu’on essaie d’éviter à tout prix.
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Ce qui est « intéressant » a une durée de validité limitée et n’a d’autre obligation que de tenir l’ennui à distance. Le produit phare des médias est « l’information intéressante » - un pur produit de consommation, rien d’autre.
Dans son essai Expérience et Pauvreté, Walter Benjamin affirme que « l’expérience n’a plus la cote ». Ceci est lié à une nouvelle forme de communication propre à nos sociétés capitalistes : l’information. « L’information exige une rapide vérification. La seule chose qui compte est que ce soit compréhensible ‘’en soi’’. Aucun événement n’arrive jusqu’à nous sans être déjà tout imbibé d’interprétations. » Alors que l’expérience a un sens personnel, elle est minée par l’information.
Lars Fr. H. Svendsen, Petite philosophie de l’ennui
© Photo by Esther Hege, gestalt-thérapeute, psychothérapie