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L'eau des larmes



Dans sa pauvreté nue et fragile, l’eau des larmes adoucirait, pour un temps du moins, l’âpreté parfois suffocante des liens qui enferment en soi, pour le pire inévitablement. Des liens qui, à chaque assaut de la souffrance acculent toujours davantage à se perdre dans son labyrinthe propre et dans la désolation intérieure suscitée par l’absence de regard bienveillant sur sa vie. Les larmes seraient au contraire ici le signe de la perception non réflexive d’un tel regard, elles en diraient l’évidence intérieure. Leur venue soudaine, parfois longtemps attendue sans exaucement, n’aviverait donc la conscience en l’homme de la souffrance, au point qu’il ne puisse plus la tenir en respect, que pour lui annoncer, le temps de la prière par exemple, le temps d’une pure attention au secret d’où toute existence provient, la certitude que cette souffrance qui le brutalise est placée sous ce regard. Certes cela ne l’en guérirait pas ni ne le dispenserait de sa tâche de lutter contre son maléfice, mais cela l’éveillerait à l’idée que la nuit qui pèse sur lui, comme sur tant de créatures, est habitée par ce secret.


Catherine Chalier, Le traité des larmes

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