Ni Virgile ni Dante ni Shakespeare ni Bashô ni Goethe ni Hugo ni Tolstoï ni Balzac ni Rilke ni Proust ne connaissaient l’ordinateur, non plus Archimède ni Avicenne ni Galilée ni Pascal ni Newton ni Darwin ni Pasteur ni Planck ni Einstein. L’accessibilité des sources, le volume des matériaux exploitables, la rapidité de mise en forme de la pensée n’ont rien à voir avec la valeur des productions de la pensée. Il n’empêche : on tend de plus en plus à présenter comme œuvre humaine exemplaire le produit simplement logique du déchiffrage et de la recomposition robotiques.
A la perte des liens avec le réel s’ajoute l’obligation de dénouer hâtivement ce qui nous y rattache encore, de ne surtout pas reprendre haleine. Car toute pause entraîne le risque de réflexion sur les raisons de la hâte. Il importe de ne pas suggérer que plus elle explique, moins la science parvient à s’expliquer elle-même, que plus l’humanité accélère, plus elle semble ralentir dans l’essentiel : l’attention à soi, à l’autre, à la Terre.
La valeur de la vie naît du sentiment d’avoir du temps. (Hélène L’Heuillet)
Au propos d’épeler tout le texte du monde
Répond l’effarement d’en oublier les mots.
Pierre Lieutaghi, La surexplication du monde
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